Dès les estimations connues dimanche à 20h, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont entamé la campagne de 2nd tour avec un même objectif : opérer le rassemblement le plus large possible le 7 mai prochain. Au cœur de leur stratégie, le report des voix de François Bayrou et de Jean-Marie Le Pen. L'équation n'est pas tout à fait la même pour la candidate socialiste et le candidat de l'UMP.
Avec une extrême-gauche et des Verts qui ne font ensemble pas plus de 11% des voix, Ségolène Royal doit convaincre un maximum d'électeurs de Bayrou de voter pour elle. D'où une déclaration solennelle réécrite jusqu'au dernier moment... "Je serai la présidente garante d'un Etat impartial (...) , je ne suis otage d'aucun clan, d'aucun groupe de pression, d'aucune puissance financière", a-t-elle affirmé, avec des accents très centristes. Elle a estimé qu' "une nouvelle campagne s'ouvrait" et promis depuis son fief de Melle (Deux-Sèvres) de "porter le combat du changement pour que la France se relève". Avec une intention : s'adresser à l'électorat centriste directement, sans discussion avec François Bayrou.
"Avec l'UDF, il y a des convergences"
"Nous devons insister sur ce qu'il y a de fort dans notre pacte présidentiel donc nous n'allons pas négocier avec qui que ce soit car cela n'est pas la démarche d'une élection présidentielle", a affirmé de la même façon François Hollande, patron du PS. Sur les plateaux de télévision, quelques socialistes se sont chargés de tendre la main plus ouvertement aux six millions de voix de l'UDF. Bernard Kouchner, qui avait appelé à une alliance PS-UDF pour le premier tour, a jugé que le PS devait désormais "convaincre" les électeurs centristes. "Je constate que sur le plan social, avec l'UDF et François Bayrou, il y a des convergences. Il va falloir convaincre les électeurs, il ne s'agit pas de tractations honteuses", a-t-il déclaré.
De son côté, Nicolas Sarkozy doit à la fois récupérer les voix de François Bayrou et celles de Jean-Marie Le Pen pour l'emporter le 6 mai. Dans un discours solennel devant plusieurs centaines de militants de l'UMP rassemblés salle Gaveau, il a appelé "tous les Français", quels qu'ils soient, "à s'unir pour bâtir une France fraternelle". "Dans les quinze jours qui restent, je veux dire aux Français qui ont peur, peur de l'avenir, qui se sentent fragiles, vulnérables, qui ont une vie de plus en plus lourde, que je veux les protéger contre la violence, contre la délinquance, contre la concurrence déloyale, contre les délocalisations, contre l'exclusion", a-t-il affirmé. Ce discours d'ouverture et de protection devrait être la marque de sa campagne d'entre-deux-tours, des thèmes qui pourraient séduite l'électorat modéré. Le report des voix du FN devrait s'annoncer assez facile pour lui, selon tous les sondages réalisés jusqu'ici.
Un nouveau parti démocrate
Quant à François Bayrou, il se retrouve dans la position de "faiseur de roi" ou plutôt de "reine". Dimanche soir, il a sans surprise refusé de donner une consigne de vote pour le 2nd tour, préférant savourer son score à deux chiffres. "La nouvelle politique est en train de naître et plus rien ne sera comme avant" a-t-il affirmé. Le patron de l'UDF réunira dans les 48 heures ses amis et parlementaires pour préciser les contours du nouveau parti démocrate qu'il entend créer. Selon nos informations, il tiendra une conférence de presse mercredi pour délivrer un premier message. Il pourrait reprendre la parole après le duel télévisé de la semaine prochaine. Ses lieutenants ont en effet affirmé que l'UDF allait "écouter ce que dise chacun des candidats".
Mais l'attitude qu'adoptera François Bayrou dépendra en réalité du jeu des alliances en vue des élections législatives. Les 10 et 17 juin, il aura besoin de l'UMP pour garder un groupe conséquent à l'Assemblée nationale. Jusqu'à présent, les quelque trente circonscriptions gagnées en 2002 par l'UDF ont été "gelées" par l'UMP, qui attend de "voir ce que fera Bayrou" entre les deux tours avant de décider d'y investir ou non un candidat.